(1) Claudii Ptolemaei Opera quae extant omnia. Volumen I. Syntaxis mathematica. Edidit J.L. Heiberg. Pars II, Libros VII.-XIII. continens. Leipzig, 1903, p. 321-347 ; p. 360-382. Nous traduisons toujours d'après cette édition.

(2) Nous ne tiendrons pas compte, pour simplifier, de la présence de cet épicycle, qui a pour but de représenter la seconde inégalité de la planète, qui dépend de la position du Soleil et constitue, en réalité, la projection, dans le mouvement de la planète, de la révolution annuelle de la Terre. Nous nous conformons, sur ce point, à une remarque de Cassini : «Sed quoniam Ptolemaeus duplicem in his Planetis agnoscit motum, proprium periodicum, qui in Saturno triginta, in Iove duodecim, in Marte duobus annis absolvitur, et alium quendam quasi annuum, ex annuo Solis motu et periodico Planetis attemperatum, quem nos vere annuum esse in eadem ipsa Ptolemaïca hypothesi exponimus et demonstramus, motumque periodicum in maiori circulo, annuum vero in minori repraesentat, atque ita Planetae theoriam ex duobus componit circulis inaequalibus, quorum maioris circumferentiam centrum minoris motu periodico perlustrat, ipse vero Planeta motu annuo circumferentiam minoris, nos, qui motus annui apparentiam in communem causam refundentes solius motus periodici necessitatem agnoscimus, solius item motus periodici circulum considerabimus, et loco circuli annui per eum revoluti ipsum Planetae corpus per eum intelligemus revolvi. Ita clarior simpliciorque erit tractatio, nec manca erit propterea Ptolemaïca hypothesis, si quis eam salvam tectamque servari desiderat. Cuique namque liberum erit, si maluerit, loco Planetae centrum epicycli intelligere.» (Ptolemaïca Methodus apogaeorum excentricitatum & Anomaliarum ad Geometricam normam emendata & promota, Bibliothèque de l’Observatoire de Paris, ms B, 4, 2, p. 302-304. Traduction. «Mais, puisque Ptolémée admet, dans ces Planètes, deux mouvements, leur mouvement propre périodique, qui s’accomplit, en trente ans, dans le cas de Saturne, en douze, dans le cas de Jupiter, et en deux, dans le cas de Mars, et un autre plus ou moins annuel, adapté aux Planètes à partir du mouvement annuel ou périodique du Soleil, dont nous expliquons et démontrons, quant à nous, que, dans cette seule et même hypothèse ptoléméenne, il est vraiment annuel, - qu’il représente, le mouvement périodique, dans le plus grand de deux cercles, et le mouvement annuel, dans le plus petit, et qu’ainsi il constitue la théorie de la Planète en se fondant sur deux cercles inégaux, la circonférence du plus grand des deux étant parcourue par le centre du plus petit dans le mouvement périodique, tandis que la Planète elle-même parcourt la circonférence du plus petit dans le mouvement annuel, quant à nous, qui, ramenant l’apparence d’un mouvement annuel à une cause commune, n’admettons plus comme nécessaire que le seul mouvement périodique, nous ne prendrons, de même, en considération que le cercle du seul mouvement périodique et, au lieu du cercle annuel emporté sur lui, considérerons que c’est le corps même de la Planète qui est emporté sur lui. Ainsi, l’exposition sera plus claire et plus simple, sans que soit pour autant en défaut l’hypothèse ptoléméenne, si l’on souhaite la conserver sauve et hors d’atteinte. Et, de fait, libre à chacun, s’il préfère, d’entendre, au lieu de «Planète», «centre de l’épicycle».». Précisons que le maior circulus désigne l’excentrique, le minor circulus, l’épicycle destiné à représenter la seconde inégalité, c’est-à-dire les effets produits, dans le mouvement apparent de la planète, par le mouvement annuel de la Terre, ou du Soleil, dans l’hypothèse géocentrique.). D’après le ms B, 4, 3, p. 401, la Ptolemaïca Methodus daterait de 1669. Cet inédit est un des documents du XVIIème siècle qui pousse le plus loin l’interprétation des découvertes keplériennes dans un sens ptoléméen. Peut-être ce texte est-il identique à l’imprimé signalé, sous le titre Almagestum promotum, comme faisant partie d’un recueil imprimé à Rome ou, selon d’autres sources, à Bologne, en 1666, sous le titre Opera astronomica, par les bibliographies Weidler et Lalande (qui, semble-t-il, ont suivi une liste, connue par l’intermédiaire du Giornale dei Letterati, 1668, p. 71, de titres d’œuvres, sans doute en partie fictives, figurant pour la première fois dans Gli Scrittori Liguri de Michele Giustiniani, Rome, 1667, p. 360, col. 1). Du moins, un recueil de «Opera astronomica », pas plus qu’un Almagestum promotum, à notre connaissance, n’existe pas ; en tout cas, ils ne figurent pas au catalogue de la Biblioteca Nazionale Centrale de Rome. L’imprimé «Nouvelle Manière géométrique et directe de trouver les Apogées, les Excentricitez, & les Anomalies du mouvement des Planetes», Journal des sçavans, 1669, p. 32-35, repris dans les Mémoires de l’Académie royale des sciences depuis 1666 jusqu’à 1699, t. X, p. 488-491 (où il faut lire, p. 489, «une ligne elliptique qui passe entre la circonférence du concentrique et celle de l’équant, qui a leurs centres pour foyers» au lieu de «...qui a leur centre pour foyer») ne correspond que lointainement aux idées exprimées dans la Ptolemaïca Methodus et  présente une allure pascalienne qui fait penser, comme rédacteur, à Philippe de La Hire. Nous n’avons pu consulter la «Nova ratio inveniendi metricè et directè apogaeum, anomalias et excentricitates motus planetarum», imprimée (?), à Bologne, en 1669. Sur l’ensemble des problèmes posés par l’attribution et l’interprétation de ces textes, cf. Giustiniani (Michele), Gli Scrittori liguri, Rome, 1667, B. N., Z.8957, p. 360, col. 1 ; Fontenelle, «Eloge de Cassini», Histoire de l’Académie royale des sciences pour l’année 1712, p. 86 ; Cassini (Jacques), Eléments d’Astronomie, Paris, 1740, p. 132-138 ; Delambre (Jean-Baptiste), Histoire de l’Astronomie moderne, Paris, 1822, t. II, p. 739 sq. - Le passage que nous citons n’est pas seulement jésuite par sa syntaxe : on appréciera, également, le souci de concilier rigueur philologique et scientifique, avec exigence d’orthodoxie ecclésiastique, dont témoigne la phraséologie qui ramène la seconde inégalité, sans autres précisions, in communem causam.

(3) «Primus est circulus veri Planetae motus, cuius centrum centro terrae, aut in aliena hypothesi Solis centro congruit et ad mediam planetae a terra, sive a Sole, distantiam describitur. Ad ipsum tamen reducti quicumque sint motus veri dicuntur, qui aestimantur huius circuli arcubus interceptis lineis a veri motus centro (sive illud Sol sit, sive terra) ad varia planetae loca perductis.» (Ptolemaïca Methodus, p. 306 ; traduction : «Le premier cercle est le cercle du mouvement vrai de la Planète, dont le centre correspond au centre de la terre, ou, dans une autre hypothèse, au centre du Soleil. Quoi qu’il en soit, tous les mouvements, quels qu’ils soient, ramenés à ce cercle, sont dits mouvements vrais. Ils sont mesurés par les arcs qu’interceptent, sur ce cercle, les lignes tracées, depuis le centre du mouvement vrai (qu’il s’agisse, là, du Soleil ou de la terre) aux différents lieux de la planète.»).

(4) Syntaxis, Heiberg, t. II, p. 323, l. 6-14.

(5) Syntaxis, Heiberg, t. II, p. 365, l. 4-7 ; p. 367, l. 11-p. 368, l. 10.

(6) «Recentiores omnes Astronomi, quicumque motum circularem, aut ex circularibus compositum, retinuere, quorum agmen ducit Copernicus, professi sunt unanimes ex Ptolemaïca forma recedere, absurdum putantes periodici motus regularitatem desumi a circulo, in cuius circumferentia non fieret motus, in circulo autem ab eo descripto irregulariter incedere. Quapropter singuli alias aliasque inquisivere formas, quibus aequantem effugerent, planetamque retinerent in circulo aequali motu revolubilem. Copernicus ergo periodicum motum ex excentrico et epicyclo aequaliter motis compositum repraesentavit, Tycho, ex Concentrico et duobus epicyclis certa lege revolutis. Compositum ex his motum sequutus est Longomontanus, Lansbergius denique excentricitatis variationem per circellam regulariter variatam maluit usurpare. Nos tamen in Theoricis nostris unicam excogitavimus formam Ptolemaïcae persimilem, ab extremo aequante motus aequalitatem desumentem, in quam Copernici, Tychonis, Longomontani et Lansbergii diversas ad apparentiam hypotheses resolvi demonstramus, ea autem est, quam in praesenti exhibemus.» (Ptolemaïca Methodus, p. 313-315).

(7) Eléments d’Astronomie, p. 133.

(8) Le souci, constant parmi les auteurs du milieu du dix-septième siècle, de ramener, à tout prix, l’ellipse keplérienne à l’équant ptoléméen, témoigne d’une double réserve à l’égard de l’astronomie keplérienne. D’une part, on reproche assez généralement à Kepler, conformément au sous-titre de l’Astronomia nova, qui fait état d’une Physica coelestis «étiologique», de raisonner plus en physicien qu’en géomètre ; d’autre part et surtout, l’astronomie de Kepler ne permet pas, dans le cadre, précisément, d’une astronomie encore purement géométrique et en l’absence d’une dynamique (voir, à ce sujet, les réflexions de Koyré, à propos de Kepler et de Borelli, dans la Révolution astronomique), de déterminer, avec toute la précision souhaitable, les équations des planètes, parce qu’il faudrait calculer l’aire d’un secteur elliptique, donc, opérer la quadrature de l’ellipse, ce qui, surtout en l’absence du calcul infinitésimal, ne peut se faire que par approximation, situation qui nous vaut, au demeurant, quelques belles, mais tardives, tentatives géométriques en ce sens, dues, en particulier, à Philippe de La Hire («Remarques sur le mouvement des Planetes, & principalement sur celui de la Lune.» (18 juin 1710), Mémoires de l’Académie royale des sciences pour l’année 1710, B. N., R.3798, p. 292-304) et à Jacques Cassini («Méthode de déterminer la première Equation des Planetes suivant l’hypothèse de Kepler.» (12 jullet 1719), Mémoires de l’Académie royale des sciences pour l’année 1719, p. 147-155 ; on y lit, p. 148, «Comme il s’agit de calculer l’aire d’un secteur terminé par un arc d’Ellipse, la résolution géométrique de ce Probleme suppose la quadrature de l’Ellipse ou du cercle qui n’est point connuë.») ; en sens contraire, analytique, voir le célèbre Traité analytique des sections coniques, posthume, du marquis de L’Hospital, qui fut publié seulement en 1720. En attendant ces succès tardifs, des auteurs comme Boulliau et Seth Ward s’ingénieront à déterminer les équations des planètes en supposant que leur mouvement est moyen à l’égard du foyer «supérieur», inoccupé, assimilé à un point équant, de l’ellipse keplérienne. De ces tentatives témoignent l’Astronomia Philolaïca (1645), de Boulliau, et l’ouvrage, au titre significatif, de Seth Ward, Astronomia geometrica, ubi Methodus proponitur, qua Primariorum Planetarum Astronomia, sive Elliptica, sive Circularis, possit Geometrice absolvi, Londres, 1656 (V.20.951), dont la «méthode» pour déterminer l’orbite d’une planète à partir de cinq observations (Methodus geometrica inveniendi Axem tranversum & Axem coniugatum Ellipseos, id est Aphelium & Perihelium, ex quinque punctis in sectionis peripheria datis, vel ex 5. observationibus, op. cit., I, 2, 10, p. 42-51), qui s’appuie sur Pappus, VIII, 13-14, annonce la Methodus de Cassini, à laquelle sa lettre à Gassendi, du 21.X.1653, où il se fait fort de déterminer l’orbite à partir de trois observations seulement, ce qui, une fois de plus, fait penser aux Livres X et XI de l’Almageste, prouve qu’il songeait dès cette date (Gassendi, Opera, t. VI, Lyon, 1658, p. 527). Il n’est pas sans intérêt de noter que Cassini vivait dans la même ville que Ricccioli, qui, dans l’Astronomia reformata (Bologne, 1665), étudie longuement les travaux de Boulliau et de Seth Ward (op. cit., I, 9 ; p. 29-30).

(9) Cas particulièrement significatif et troublant, celui d’Ismael Boulliau, avec l’erreur caractéristique suivant laquelle, selon Kepler, le mouvement de la planète serait moyen à l’égard du foyer supérieur de l’ellipse, assimilé à un point équant. L’ellipse keplérienne est, aux yeux de Boulliau, la section du cône formé par une infinité de cercles équants de rayon croissant, dont les centres forment l’axe du cône passant par le foyer supérieur de l’ellipse, si bien qu’en tout instant le mouvement est uniforme à l’égard de ce dernier: «Circuli illi infiniti, quos aequantes appellamus, tam concinne in cono ordinati sunt ad efficiendum simul motum aequalem & inaequalem, accelerationem & moram, quae in Planetis cernitur, ut in admirationem intuentium animos rapiat fabrica tam eximia.» (Boulliau, Astronomia Philolaïca, Paris, 1645, p. 5).

(10) «Kepleri autem via Planetaria, cuius centrum bisecat excentricitatem totam aequantis Ptolemaïci, inter concentricum et aequantem Ptolemaïcum procul dubio continetur. Immo vero elliptica cum sit, per communes utriusque circuli intersectiones transire facile demonstratur. Licet vero Keplerus aequantem refugiat, ex eo quod velocitatis tarditatisque leges malit desumere a variatione distantiae a Sole, quam ab aequantis ratione, tamen discrimen Keplerianae methodi a Ptolemaïca perexiguum demonstrabitur esse in eo senso, in quo Planeta velocitatem tarditatemque accipit, et praeterea in eo sensu accelerationem et retardationem accipi posse demonstrabimus, quae et procedat secundum rationem variationum distantiae a Sole simulque leges accipiat ab aequante.» (Ptolemaïca Methodus, p. 316-317 ; traduction : «Or, chez Kepler, la trajectoire des Planètes, dont le centre coupe en deux l’excentricité totale de l’équant ptoléméen, est, sans aucun doute, renfermée entre le concentrique et l’équant ptoléméens. Bien plus, puisqu’elle est une ellipse, il est facile de démontrer qu’elle passe par les intersections communes de ces deux cercles. Et bien que Kepler refuse l’équant, pour cette raison qu’il aime mieux emprunter les lois de leur vitesse ou de leur lenteur, de la variation de leur distance au Soleil, plutôt que de leur progression dans l’équant, on n’en démontrera pas moins que l’écart entre la méthode de Kepler, et celle de Ptolémée, est extrêmement faible en ce sens que la Planète admet des accélérations et des retards et nous démontrerons, en outre, qu’en ce sens elle peut admettre des accélérations et des retards tels qu’ils évoluent, à la fois, selon la progression de la variation de sa distance au Soleil, tout en empruntant, simultanément, leurs lois de l’équant.»). Cette dernière remarque n’a évidemment guère de sens si l’on n’admet que c’est bien autour du Soleil, et non de la Terre, que tournent ces planètes, même si, sans doute, si les planètes supérieures tournent autour du Soleil, elles tournent aussi autour de la Terre. L’astronomie jésuite est bien spécieuse. - Ce passage du manuscrit, dont l’expression, même sous la forme définitive, demeure embarrassée (ce dont témoignent des tournures comme in eo sensu in quo, et praeterea in eo sensu), présente de nombreuses ratures ; d’autre part, la main, qui demeure la même d’un bout à l’autre du manuscrit, n’est certainement pas celle de l’auteur (comme prouvent des leçons aberrantes et une ponctuation qui, même pour l’usage contemporain, est parfois à contresens), mais celle d’un copiste ; cependant, des gallicismes récurrents prouvent que ce dernier a reformulé, en plus d’un endroit, la pensée de l’auteur, tandis que les ratures et les reprises, particulièrement nombreuses, et souvent heureuses, dans le passage que nous venons de citer, laissent penser qu’il a travaillé, sans doute, sous sa dictée. On sait que, ne maîtrisant pas le français, Cassini n’a plus guère publié, à partir de 1669, que des colonnes de chiffres, et que tous ses textes rédigés l’ont été par ses collègues de l’Académie, comme il le fait lui-même observer, dans sa Vie, à propos du Discours sur l’Origine et les Progrès de l’Astronomie, qui daterait de 1687 et fut publié en 1693 (Recueil d’observations faites en plusieurs voyages par ordre de sa Majesté pour perfectionner l’astronomie et le géographie, avec divers Traitez astonomiques, V.1469.). Nous émettrions volontiers l’hypothèse que le copiste de la Ptolemaïca Methodus fût l’abbé Jean-Baptiste du Hamel, historiographe oficiel de l’Académie.

(11) Du Boulliau de l’Astronomia Philolaïca, au Cassini de la Ptolemaïca Methodus, en passant par le Seth Ward de l’Astronomia Geometrica, tout le monde semble avoir joué au Kepler ; cf., à cet égard, les surprenantes déclarations de Cassini dans la lettre que reproduit, p. 527, le tome VI des Opera de Gassendi. Toutefois, ces déclarations ne sont surprenantes qu’à une lecture anhistorique : rien ne démontre mieux l’idée qu’à la date de la rédaction de cette lettre, en 1653, «les jeux n’étaient pas faits».

(12) On sait que la variation des excentricités des orbes planétaires est au centre de la discussion de Tycho avec Magini au début des années 1590. Une lettre de Tycho à Kepler du premier décembre (et non, comme indique Dreyer, du premier avril) 1598 remet en cause le rapport de un à quatre entre les rayons des deux épicycles destinés à représenter l’excentricité dans l’hypothèse du concentrique à deux épicycles : «Id autem scire te velim, Eccentricitates ipsas utriusque illius, ut sic nunc loquar, Eccentrici, quas Copernicus paulo aliter excusavit, non habere eas ad invicem proportiones, ut una sit alterius tertia pars, veluti ex Ptolemaeo deduxit. Neuter vero eorum demonstratum reliquit. Sed haec aliam inter se habent rationem et in singulis variant.» (Tycho Brahé à Kepler, 1.XII.1598, Epistulae astronomicae, ed. Dreyer, tome VIII, 1925 , p. 44. Traduction: «Et j’aimerais que tu saches ceci, que les excentricités mêmes de chacun de ces deux Excentriques, pour m’exprimer maintenant ainsi, excentricités dont Copernic a rendu compte un peu autrement, ne présentent pas entre elles des proportions telles, que l’une est le tiers de l’autre, comme il l’a conclu de Ptolémée. Mais ni l’un, ni l’autre, n’en ont laissé la démonstration. Elles présentent, au contraire, entre elles, un autre rapport et présentent des variations chacune pour son compte.»). Les «deux excentriques» (utriusque illius Eccentrici) sont l’excentrique (au sens courant) et l’équant. Le membre de phrase Eccentricitates, quas Copernicus paulo aliter excusavit renvoie à l’hypothèse équivalente du concentrique pourvu de deux épicycles, dont les rayons sont dans le rapport de un à trois.

(13) «Quin et orbis annuus iuxta Copernicum aut Epicyclus secundum Ptolemaeum non videtur eiusdem semper magnitudinis, quoad ipsum Eccentricum collatione facta ; sed alterationem introducit in omnibus tribus superioribus sensibilem, adeo ut angulus differentiae in     ad Gradum unum Minuta 45. excrescat. Quomodo haec cum tua speculatione concilianda sint, tute videbis.» (Tycho Brahé à Kepler, 1.XII.1598, op. cit., p. 45 ; traduction : «Bien plus, l’orbe annuel, selon Copernic, ou l’Epicycle, selon Ptolémée, ne se présentent pas non plus toujours, à leur tour, avec la même grandeur, comparaison faite avec l’Excentrique correspondant ; ils introduisent, au contraire, dans toutes les planètes supérieures, une altération sensible, à tel point que l’angle de cette différence s’élève, dans le cas de Mars, à un Degré, 45 Minutes. Comment faire s’accorder ces données avec ta spéculation, tu verras toujours.»). Rappelons que, dans le système de Ptolémée, l’épicycle assume, dans le cas des trois planètes supérieures, la fonction de l’orbis annuus, ou de la révolution annuelle de la Terre autour du Soleil, dans celui de Copernic, savoir, de rendre compte de la «seconde inégalité». La speculatio désigne le Mysterium Cosmographicum, de 1596 ; dans le membre de phrase «quoad ipsum Eccentricum», cet Eccentricus est l’excentrique ptoléméen.

(14) Tycho Brahæus. Astronomiæ instauratæ Progymnasmata, p. 821. Cf. la lettre de Kepler à Herwart von Hohenburg, de juillet 1600, citée par Dreyer : «Et hoc est quod Tycho quasi sub aenigmatis involucro (ut interdum solet) ad me perscripserat de variabili quantitate orbis annui.».

(15) Cette démonstration se trouve à la page 75 de l’édition Caspar de l’Astronomia nova. Kepler fait observer, à cet égard, que, si Copernic l’emporte sur Ptolémée pour ce qui est de l’uniformité des mouvements célestes (puisque les modèles développés dans le Commentariolus et dans le De Revolutionibus visent à représenter les observations par le moyen d’une composition de cercles parcourus d’un mouvement uniforme), Ptolémée l’emporte sur Copernic sous le rapport de la régularité des figures tracées par les mobiles (puisque les mêmes modèles font parcourir à ces derniers des figures qui ne sont pas des cercles parfaits) : «Praeterea dum Copernicus Ptolemaeum aequabilitate motuum superare nititur, ab eo vicissim perfectione itineris Planetarii superatur. Ptolemaeo enim Planeta perfectum circulum corpore suo per auram aetheriam designat. Copernicus vero lib. V. cap. IV. fatetur, sibi viam Planetae non esse circularem, sed excurrere ad latera.» (ibid. ; traduction : «En outre, pendant que Copernic s’efforce de l’emporter sur Ptolémée quant à l’égalité des mouvements, inversement, ce dernier l’emporte sur lui quant à la perfection de la route tracée par la Planète. Aux yeux de Ptolémée, en effet, une Planète décrit, avec son corps même, un cercle parfait à travers l’espace éthéré. Mais Copernic déclare, au Livre V, Chapitre IV, qu’à ses yeux, la trajectoire d’une Planète n’est pas circulaire, et qu’elle déborde, au contraire, le cercle latéralement.»). Cette situation tient, évidemment, à ce que l'épicycle, chez Copernic, sert à représenter la première inégalité, et non, comme chez Ptolémée, la seconde. La «difformitas» keplérienne combinera, au mouvement variable de Ptolémée, la figure irrégulière de Copernic : «Hanc exorbitationem itineris Planetarii a perfectione circuli Ptolemaeus Copernico iure obiecerit : ego non obiicio. Nam infra demonstrabitur Parte quarta, Physicis duabus virtutibus potestate simplicibus ad movendum Planetam concurrentibus necessario effici, ut Planeta a circulo parumper deflectat, non excurrendo quidem, ut in hac hypothesi Copernicana, sed contrariam in plagam ad centrum scilicet ingrediendo.»    (ibid. ; traduction : «Cet écart instauré par la trajectoire de la Planète à l’égard du cercle parfait, Ptolémée peut avoir ses raisons d’en faire reproche à Copernic: moi, je n’en ai pas. Nous démontrerons, en effet, plus bas, dans la Quatrième Partie, que, si deux forces physiques d’une intensité simple concourent pour mouvoir une Planète, il en résulte nécessairement, que la Planète s’écarte quelque peu d’un cercle, non, toutefois, en débordant, comme dans l’hypothèse de Copernic, mais, précisément, vers l’intérieur, dans le sens contraire, en direction du centre.»).

(16) «Quodsi insuper Copernicus etiam illam suam libertatem constituendi proportiones epicyclorum retineat, fieri potest, ut tortuosa Planetae via evadat, altior ante et post apogæum quam in ipso apogæo, depressior ante et post perigæum quam in ipso perigæo.» (ibid. Traduction : «Si, en outre, Copernic restait toujours fidèle à cette liberté avec laquelle il détermine les rapports des épicycles, il pourrait arriver que la route de la Planète finisse par devenir sinueuse, étant plus élevée avant et après l’apogée, que dans l’apogée lui-même, et plus basse avant et après le périgée que dans le périgée lui-même.»). Les expressions altior ante et post apogæum quam in ipso apogæo et depressior ante et post perigæum quam in ipso perigæo se réfèrent à la figure de la page 74 de l’édition Caspar de l’Astronomia Nova, qui reproduit le modèle «copernicien» d’un concentrique pourvu de deux épicycles. En attribuant, au concentrique, une révolution dans le sens direct, à l’epicyclus maior, une révolution de sens rétrograde, avec la même période que celle du concentrique, et à l’epicyclus minor, une révolution directe, avec une période double de la précédente (secundus epicyclus, cuius motus sit in consequentia, duplus ad motum primi ; et motus primi epicycli in antecedentia æqualis sit motui eccentrici), on trouve, en effet, que la planète sera plus éloignée du centre du concentrique, avant et après l’apogée, que dans l’apogée lui-même, et plus proche, avant et après le périgée, que dans le périgée lui-même.

(17) Renvoyons, une fois pour toutes, à l’abondante littérature qui, depuis Koyré, a développé ce point.

(18) Concept dont nous faisons remarquer que nous avons, autant que possible, évité de le faire figurer dans l’examen de nos sources, tant on a l’impression qu’à la date de leur rédaction, les jeux sont loin d’être faits à son sujet, au point que son usage inconsidéré aurait immanquablement  revêtu l’allure d’une pétition de principe et eu pour effet d’oblitérer et de rendre méconnaissable ce qui constitue précisément l’enjeu de notre travail : de savoir à quelles dates la perception du mouvement et du repos cesse d’être pré-classique.

(19) «Planeta perfectum circulum corpore suo per auram aetheriam designat.» (Astronomia Nova, p. 75.).

(20) «Caeterum in sequentibus ad vitandam confusionem eccentrico hoc Copernicano (quem non stella, sed centrum epicycli describat) non amplius utar. Differt enim ab ipsissimo itinere Planetae, quod altius fit in perigæo, humilius in apogæo. At voce Eccentrici porro utemur tantummodo in designando ipsissimo itinere Planetae, vel puncti in cuius motu prima inaequalitas inest.» (Astronomia Nova, p. 79. Traduction : «D’ailleurs, dans la suite, pour éviter toute confusion, je n’aurai plus recours à cet excentrique copernicien (que doit décrire, non, l’astre, mais le centre de son épicycle). Il diffère, en effet, de la trajectoire en elle-même de la Planète, parce qu’il se fait trop élevé dans le périgée, et trop bas dans l’apogée. Au contraire, nous emploierons désormais le terme d’Excentrique seulement pour désigner la trajectoire en elle-même de la Planète, ou, plutôt, du point dont le mouvement représente la première inégalité.»). Le membre de phrase quod altius fit in perigæo, humilius in apogæo doit se comprendre, comme dans le texte de la note (16), par référence aux figures reproduites aux pages 74 et 78 de l’édition Caspar. Ce contexte permet d’écarter l’interprétation qui ferait de quod un relatif portant sur itinere et de altius et humilius des attributs du sujet. Puisque l’excentrique copernicien pourvu d’un seul épicycle de la page 78, qui est l’équivalent du concentrique pourvu de deux épicycles de la page 74, représente la planète plus «haute», c’est -à-dire éloignée du visus, avant et après l’apogée que dans l’apogée lui-même, et plus «basse», c’est-à-dire plus proche, avant et après le périgée que dans le périgée lui-même, il représente donc la planète «trop basse» dans l’apogée (humilius in apogæo) et «trop haute» dans le périgée (altius in perigæo). On peut donc s’attendre à ce qu’à son tour, l’«excentrique» keplérien représente, au contraire, la planète plus «haute» dans l’apogée et plus «basse» dans le périgée.

(21) «Quo pacto tantummodo Ptolemaïcum eccentricum (vel proxime talem) par est nos imaginari. Ostensum enim est capite quarto, discrepaturum nostrum calculum aequationis (Ptolemaicae formae innixum) a Copernicano tantummodo duobus scrupulis, ubi maxime. Tum autem et facilior est modus computandi in forma Ptolemaica primae inaequalitatis quam in Copernicana. Denique haec Ptolemaica forma primae inaequalitatis (ut dictum) ipsi rerum naturae, et sequentibus nostris speculationibus Parte tertia et quarta, est accommodatior.» (op. cit., p. 79. Traduction : «C’est sous cette réserve seulement qu’il convient que nous imaginions un excentrique ptoléméen (ou très voisin de ce dernier). Nous avons, en effet, démontré, au Chapitre IV, que notre calcul de l’équation (qui s’appuie sur la conception ptoléméenne) s’écarterait, de celui de Copernic, de deux scrupules, au plus. Mais, ensuite, la façon de calculer la première inégalité est, aussi, plus facile dans la conception ptoléméenne que dans la conception copernicienne. Enfin, cette conception ptoléméenne de la première inégalité (comme nous avons dit) est mieux adaptée à la réalité même de la nature, ainsi qu’à nos spéculations ultérieures dans les Parties III et IV.»). La Ptolemaïca forma primæ inæqualitatis est la conception de l’excentrique avec équant, par opposition avec la conception de Copernic, qui est, tantôt, celle de l’excentrique pourvu d’un épicycle (cas de la figure de la page 78 de l’Astronomia Nova), tantôt, celle c’un concentrique pourvu de deux épicycles (cas de la figure de la page 74).

(22) On peut évidemment étendre ces réflexions à des auteurs comme Longomontanus ou Lansberg.

(23) «Duae retardationes permiscentur ; altera realis et Physica in uno eccentrici loco ; altera Optica et apparens in loco non iam uno, sed illo, qui a quolibet suscepto visus situ remotissimus est.» (Astronomia Nova, p.81. Traduction: «Il y a deux ralentissements qui se confondent, l’un, réel et Physique, en un endroit précis de l’excentrique, l’autre, Optique et apparent, non en un endroit précis, mais en celui qui est le plus éloigné de tout site reconnu à la vision.»). Or, dans la théorie de la libration de Cassini, on lit : «De la complication de ces deux mouvemens contraires, dont l’un n’est qu’apparent & l’autre est réel, l’un est inégal & l’autre égal, résulte la libration apparente de la Lune.» (Recueil de diverses observations faites en plusieurs voyages par ordre de sa majesté pour perfectionner l’astronomie et la géographie, avec divers Traitez astronomiques, Paris, 1693, p. 35). Que Cassini ait connu l’Astronomia Nova est prouvé par la Ptolemaïca Methodus et par la lettre à Gassendi du 21 octobre 1653 (Gassendi, Opera, t. VI, Lyon, 1658, p. 527-528), où l’on lit notamment: «Huic et similibus novam astronomiam superstruo.».

(24) Cf. Cassini (Giovanni Domenico), Specimen observationum Bononiensium, quae novissime in Divi Petronii Templo ad astronomiae novae constructionem haberi coepere... Ex quibus motusque Solis realis inaequalitas nunc primum immediatis observationibus detegitur, Bologna, 1656. Sur cette méridienne, cf. Fontenelle, (Bernard Le Bovyer de ), «Eloge de Cassini», Histoire de l’Académie royale des sciences pour 1712, p. 87, et Montucla, Histoire des Mathématiques, seconde édition, t. II, p. 560-562. On notera, dans l’intitulé du document, l’occurrence astronomia nova.

(25) Compte tenu de la latitude géographique du lieu de l’observation.

(26) «quae variatio (sc. diametris Solis) cum motus inaequalitate comparata, hypothesin bissectae ecentricitatis atque adeo ellipseos et in Sole coarguit.»  (Cassini à Boulliau, 22.VIII.1656 ; nous suivons, pour cette lettre, la copie conservée à la Bibliothèque nationale de Paris, ms français, nouvelles acquisitions, 5.856, fol. 93 r°, qui porte la mention suivante : Boulliau, corr. 19, lettres astronomiques, no 113, mais l’original manque au tome XIX de la Collection Boulliau, également conservée à la Bibliothèque nationale (ms français 13.O37), qui présente une lacune du numéro 111 au no 113 ; il s’agit vraisemblablement d’une lettre de Cassini dont François Vincent annonce l’envoi dans sa lettre à Boulliau du cinq septembre 1656, cf. ms fr. 13.037, fol. 210 r°) ; même langage sous la plume de Boulliau, en 1654 : «Methodum tuam ad locum Aphelii inveniendum consideravi, in qua, ut etiam in aliis, venit Sol supponendus non habere aequantem ipsiusque eccentricitatem non esse bisecandam statuendam, quibus phaenomena refragantur.» (Boulliau à Guillaume Langius, 23 septembre 1654 ; B.N., ms fr. 13.037, fol. 127 r°-128 r°).